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CO N C L U S I O N
Ce mémoire avait pour but de rechercher des personnes âgées en état de désaffiliation sociale, et quel type de souffrance elles endurent. Il avait aussi pour but de rechercher celles qui sont insérées dans la société, et les outils ou les attitudes qui leur ont permis cette adaptation statutaire.
La méthode employée a permis dapprocher les personnes âgées à leur domicile, dans leur lieu de vie, et de mentretenir avec elles sur les aspects de leur vie passée et de leur vie quotidienne. Il a été mis en évidence les relations proximales et sociétales quelles peuvent entretenir et dans quelles mesures ces relations existent. Les couples et les personnes qui vivent seules ont des problématiques de vie sociale différentes, et le sentiment de solitude a été exprimé seulement chez les personnes vivant seules. Ces entretiens ont quelquefois permis une émergence de la souffrance que ressentent les personnes âgées face au sentiment de solitude sociale ou sociétale.
Le sens de la démarche exploratrice
Cette démarche visait à identifier létat de désaffiliation sociale chez les aînés vivant à domicile. La variété des situations de vie ont pu être regroupées en trois sous-thèmes :
- Les personnes âgées vivant seules à domicile
- Les personnes âgées vivant seules dans une résidence de services
- Les personnes âgées vivant en couple à domicile
Cette catégorisation a pu être faite par le niveau de sentiment de solitude exprimé par chacun des intervenants.
La première catégorie, celle des personnes vivant seules à domicile, est celle où les collaborateurs ont exprimé le plus souvent leur sentiment de solitude, sauf un. Cest aussi parmi ces interlocuteurs quil a été fait état de la tentative du passage à lacte de suicide.
La seconde catégorie semble un peu plus protégée par le fait dêtre « obligée » à la socialisation par lappartenance à une communauté, celles des résidents de létablissement. Les personnes en faisant partie véhiculent toujours le sentiment de solitude, mais il est moins marqué et exprime moins de souffrance par rapport à celles de la première catégorie.
La troisième catégorie qui est composée des personnes vivant en couple, nexprime pas le sentiment de solitude ; un seul couple a exprimé sa solitude sociétale. Ils semblent mieux protégés de la situation de désaffiliation, ont des projets, des activités, des relations sociales en nombre supérieur par rapport aux deux premières catégories. Il faut remarquer que ces couples étaient ceux dun premier mariage, que certains avaient des enfants et dautres non.
Les résultats de la démarche exploratrice
Cette démarche a permis de mettre en valeurs certains résultats pouvant avoir une incidence directe ou indirecte sur le phénomène de désaffiliation sociale.
Le premier cas de figure est en rapport avec un postulat de départ qui suggérait une relation entre désaffiliation et désafférentation sociale ; dans les résultats et lors des entretiens, il ne ma pas été offert de constater une désafférentation des individus avec leur environnement ; chez un collaborateur, des troubles mnésiques quil compense parfois en prenant des notes sur un carnet et des troubles auditifs, corrigés par une prothèse auditive en fonction même sil se plaint de sa piètre qualité rapportés ; chez une collaboratrice des troubles visuels handicapant la lecture, mais elle compense en se servant dune loupe. Comme jai constaté des situations de risque fort de désaffiliation et que les situations de désafférentation présentaient des risques faibles je revois le postulat en le minorant sur le phénomène dinteraction quil serait censé produire.
Ensuite viennent les comparaisons avec la littérature consultée en préalable, et qui concernent ce que jai nommé les moments difficiles :
- Le sentiment de solitude : il est absent chez les personnes vivant en couple, et il est présent chez les personnes vivant seules ; il sexprime avec une intensité variable selon les personnes : une seule personne affirme ne pas le ressentir, deux autres ont évoqué léventualité de mettre fin à leurs jours. « La solitude est notamment caractérisée par un nombre de relations perçu comme insuffisant ou par une qualité insatisfaisante des relations existantes » cette affirmation confirme létat du réseau social et le sentiment de solitude ressenti. Les femmes ont été plus nombreuses à confier ce sentiment mais elles étaient plus nombreuses que les hommes à vivre seules.
- Létat du réseau social en place autour des collaborateurs : il est dense autour des personnes vivant en couple, et faible pour celles qui vivent seules pour le réseau informel, et quasiment identique pour les deux catégories pour le réseau formel.
- Les accidents de vie sentimentale et familiale : les deux groupes ont relaté des accidents de vie pénibles, une plus forte proportion allant vers les personnes seules.
- Les accidents de santé dans le parcours de vie entraînent souvent des situations handicapantes qui peuvent sajouter aux effets négatifs du vieillissement social. Toutes les personnes vivant seules ont eu des accidents de santé, et certaines personnes vivant en couple ; la différence de traitement de ces handicaps avec les couples, cest que le conjoint est présent pour aider et pallier le handicap.
- Javais développé une partie théorique sur les effets des représentations sociales de la vieillesse et la stigmatisation ; je nai pas eu beaucoup dinformations à ce sujet parmi les collaborateurs, seuls trois lont évoqué, une seule directement, et ce stigmate est relié à un handicap ancien. Lorsque jai posé la question de la stigmatisation, puisque le sujet ne se présentait pas, la réponse était négative, et tout à fait incongrue ; et puis cétait une question fermée. Il ny aurait pas de sentiment de stigmatisation chez la population âgée, ou bien la discussion ne prêtait pas à ce genre dévocation, ou bien ce sentiment sefface.
Ces sentiments auxquels jai attribué une valeur négative sont retrouvés en majorité chez les personnes vivant seules. Ce qui corrobore la phrase de B . Cyrulnik : « le couple, ce « mouvement collectif à deux », crée facilement un monde de sens qui stimule et protège les individus. »[1]
Et enfin, les comparaisons avec les moments heureux passés et présents.
- Les petites années, ainsi nommées par B.Cyrulnik[2], qui sont celles qui peuvent donner un vieillissement réussi ; jai rassemblé les données sous forme de tableau, et jai constaté une probabilité dans ce postulat, faible mais existante dans cet échantillon de population, qui pour moi, je le rappelle nest pas représentatif.
- La notion de parcours de vie atypique est recensée pour aller dans le sens où lexpérience de vie riche est salutaire au vieillissement serein, même si les collaborateurs semblent avoir vécu des moments de résilience ; concept quil est possible de retrouver dans tous les âges de la vie. Jai pu obtenir des informations chez tous les collaborateurs, avec des graduations dans la positivité des résultats ; les personnes vivant en couple ayant en général plus de ressort positif à lévocation de ces souvenirs, les personnes vivant seules éprouvant plus de regrets ; un collaborateur divorcé, na pas voulu se remarier sur le tard, en souvenir et à cause de son divorce, et le regrette aujourdhui.
Perspective du phénomène de désaffiliation sociale des personnes âgées.
Ces résultats ont des conséquences sur mon implication dans la recherche de solutions et doutils pour diminuer lisolement des personnes âgées. Il posent aussi la question de savoir si cette même étude aurait eu les mêmes résultats si elle avait pu être menée à plus grande échelle, si toutes les composantes humaines avaient été approchées (personnes issues de limmigration, population nomade non sédentarisée et sédentarisée, population rurale), les composantes religieuses (athées, catholiques, juifs, musulmans, protestants) ; dautre part lavis des autres groupes dâge dans la société, et leur vision sur les personnes âgées aurait été nécessaire. Enfin, il serait intéressant de rechercher avec les personnes âgées les solutions envisagées.
Je pense aujourdhui continuer ce type détudes pour amener les institutions et les composantes de la société à considérer que la dernière période de vie qui sallonge, nest pas simplement une période de pertes et de renoncement ; quil existe des modes de vie, des modes dagir qui permettent lactivité des aînés ; une activité qui nest pas semblable à celle de ladolescent, ni à celle du jeune adulte, mais qui sinscrit dans le développement de la société ; il ne faudrait pas négliger une catégorie de la population qui est au centre des activités associatives de solidarité, pour ne pas voir ces énergies disparaître avec les futurs retraités qui seraient désabusés ou démotivés.
Il me semble que létude na abordé quun des aspects de cette classe dâge ; il est vrai que lhomme social est une unité parmi dautres et que chacun véhicule son propre sentiment dappartenance. Mais il ne faudrait pas négliger dans les études à venir les recherches sur la désaffiliation sociale de :
- La population âgée issue de limmigration, qui est tout à fait hors du champ social, très peu détudes lui sont consacrées, et encore moins de projets.
- La population nomade sédentarisée ou non, qui ne semble pas en difficulté de socialité mais qui pourrait nous apprendre sur les moyens de conserver une relation sociale avec les personnes âgées.
- La population rurale, et ses moyens de lutte contre lisolement ; la désertification rurale en cours et qui dure, les revenus modestes, lisolement géographique sont autant ditems quil serait intéressant de contrôler.
Les avis et hypothèses des autres classes dâge seraient intéressants à rechercher ; il faudrait en sus de la frénésie à fabriquer de lintergénérationnel, savoir quels sont les vrais enjeux et les solutions acceptables pour toutes les composantes pour permettre des projets ayant un but, valorisant et relationnel, de lutte contre la désaffiliation sociale.
Enfin, je ne veux pas oublier de demander aux personnes concernées quelles seraient leur attentes, et comment elles envisageraient des projets réalisables ; je voudrais le leur demander non pas à celles qui font partie dassociations, elles sont insérées, et participent déjà à lélaboration de projets institutionnels, mais toutes celles qui nont jamais le droit à lexpression, celles qui sont sur le chemin de la désaffiliation, les isolées, les abandonnées.
Un grand merci à mes collaboratrices et à mes collaborateurs ; ils ont ouvert un espace sur la chape de plomb qui pèse sur leur âge.
[1] Cyrulnik Boris. Op. Cit. .Les nourritures affectives. p. 233.
[2] Cyrulnik Boris. Entrevue radiophonique avec Paule Thérrien. Op. Cit.
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