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A la rencontre des personnes âgées

L’enquête et ses résultats

     Cette partie décrit l’expérience de vie des couples et des personnes seules que j’ai rencontré ; le réseau social qui est constitué autour d’elles, ou l’isolement qu’elles subissent volontairement ou par contrainte. Je l’aborde en décrivant la perspective théorique de la désaffiliation sociale des personnes âgées pour respecter le postulat de Robert Castel d’une part et en protégeant la forme de la recherche et les collaborateurs pour y puiser des pistes permettant l’intégration de la population âgée dans la société. La typologie des la population enquêtée sera notée en second lieu, pour aborder enfin ce que je nomme la substance de l’enquête : les moments difficiles, les petites années et la résilience, les personnes seules et les couples. Le concept de substance est choisi par respect de l’autre dans sa temporalité, par souci de respect de la recherche, cette temporalité évolue et le résultat est un instantané de situation.

     

I. Perspective théorique de la désaffiliation sociale des personnes âgées

     De tout temps la vieillesse a existé avec des gradations d’âge différentes, évoluant avec le développement industriel et les techniques de santé, nous vivons plus vieux et en meilleure santé. La sociologie de la vieillesse, que certains incluent dans la gérontologie qui est l'étude des modalités et des causes des modifications que l'âge imprime au fonctionnement des êtres vivants, sur tous les plans (biologique, psychologique et social) et à tous les niveaux de complexité (molécule, cellule, organe, organisme et population). Il s'agit donc là d'une approche particulière des problèmes de la vie plutôt que d'une discipline autonome : toutes les techniques des sciences biologiques et des sciences humaines peuvent et doivent contribuer aux progrès de la gérontologie. Aucun institut, ni aucun spécialiste, ne peut prétendre en dominer tous les aspects" (Encyclopédie Universalis). La gérontologie clinique ou gériatrie porte en elle même les limites de son efficacité dans la prise en compte des personnes âgées en institution , en ne s'attachant qu'aux aspect médicaux des problèmes des personnes âgées.[1] Je préfère cette définition à celle du Dictionnaire de la réadaptation qui donne : c’est la science des problèmes biologiques, psychiques, sociaux et économiques des personnes âgées[2], parce que le mot « problème » m’embarrasse, je préfère de loin celui de phénomène.

     Les besoins de toute personne âgée sont ceux de toute personne humaine : manger, dormir, s’habiller, s’hydrater, se soigner, satisfaire ses désirs sexuels, croire et ou prier, et surtout communiquer, échanger, donner et recevoir. Et si ces trois dernières conditions ne sont pas satisfaites, ce sera l’isolement et la désaffiliation ; l’éloignement de la personne âgée de la société des humains, avec toute la négativité que comporte ce phénomène dans le domaine sensoriel.

I. 1. Le postulat de la désaffiliation sociale

     Il faudra vérifier l’affirmation de Robert Castel : « il y a  risque de désaffiliation lorsque l’ensemble des relations de proximité qu’entretient un individu sur la base de son inscription territoriale, qui est aussi son inscription familiale et sociale, se trouve en défaut pour reproduire son existence et pour assurer sa protection »[3] est corollaire aux situations que vivent les personnes interrogées lors de mon enquête ; les relations de proximité seront recherchées, et les solutions pour remédier à ces lacunes seront appréciées dans les relations familiales, intergénérationnelles, vicinales. L’enquête s’attachera à rechercher si les personnes âgées rencontrées conservent une vie relationnelle communautaire ; cette observation devra être menée chez les personnes seules et chez les personnes vivant en couple.

     Dans le même esprit, il faudra analyser les causes possibles de cette désaffiliation ; qu’elles soient dues à des problèmes financiers, affectifs, des problèmes sociétaux, des problèmes de santé et enfin des problèmes environnementaux.

     Il faudra rechercher si la désaffiliation est bien un parcours entraînant certaines personnes âgées vers la mise en marge de la société, et quels sont les indicateurs qui jalonnent ce parcours.

I. 2. Ethique de la recherche

     Le projet s’attachera à respecter une éthique vis à vis du postulat de départ et envers la population enquêtée.

     Vis à vis du concept de désaffiliation, il faudra respecter l’idée de cheminement  dans la construction de la désaffiliation qui n’est pas l’exclusion mais qui en est proche. Repérer les signes sociaux qui marquent ce parcours en limitant la subjectivité qui pourrait être amenée par des situations affectives douloureuses. Ce n’est pas une froideur sinistre qu’il faudra rechercher, mais une neutralité bienveillante.

     Les personnes rencontrées devront être respectées dans leurs discours, et celui ci devra être retranscrit mot pour mot ; une information accessible à l’entendement de tous devra être délivrée, et répétée si nécessaire pour éviter tout quiproquo qui pourrait mettre l’autre en situation de fragilité ; les données identitaires formelles devront être confidentielles, certaines données ne seront transcrites qu’à titre indicatif et ne permettront pas d’identifier formellement la personne.

     La transcription de l’entretien sera proposée dans un second temps au collaborateur ; il aura la possibilité de modifier le texte ou de supprimer les passages qui lui semblent contraires à sa pensée.

     Lors de l’analyse des données, il faudra éviter les tentatives de jugement de valeur, concernant les réponses faites aux questions directes, ou dans les données transmises au cours de l’entretien.

I. 3. Des pistes pour intégrer les personnes âgées

     La recherche s’attachera à noter les solutions visant à favoriser l’intégration des personnes âgées, autant par les idées que par les exemples de situation mises en exergue par les collaborateurs.

     Les moyens économiques

     Pour éviter le risque d’appauvrissement des retraités, il faut conserver le système de retraite par répartition, ou assurer un contrôle et une garantie de l’Etat sur le système de retraite par capitalisation ; des économistes s’inquiètent des propositions faites pour le modèle social européen : 

« Un degré élevé de cohésion sociale et l’éradication de la pauvreté figurent parmi les principaux objectifs de l’UE. En pratique, les politiques qui sont menées dans de nombreux domaines ne poursuivent pas ces objectifs et ont plutôt des effets contraires. Ceci est particulièrement vrai pour la soi-disant " modernisation " des systèmes de protection sociale, qui masque en réalité une véritable volonté de privatisation. La réforme des régimes de retraites est un des points essentiels à l’ordre du jour de l’agenda européen. En proposant de faire évoluer les systèmes publics de retraites d’un système par répartition vers un système par capitalisation dominé par les fonds de pension, ce type de " modernisation " expose le niveau de vie des futurs retraités aux risques considérables inhérents aux marchés financiers. Le récent krach boursier et la faillite de plusieurs grandes entreprises aux Etats-Unis, dans lesquels les principaux fonds de pension avaient investi une partie importante des cotisations des salariés, a démontré que les marchés financiers n’étaient pas une base saine pour les retraites et que les crises financières pouvaient faire tomber les retraités dans la pauvreté. Les raisons souvent avancées pour justifier l’abandon des régimes par répartition au profit de systèmes privés ne sont pas convaincantes mais sont également mensongères. Le vieillissement de la population oblige, pour maintenir le niveau de vie actuel des retraités, à de larges transferts réels des revenus futurs de la population active vers les retraités, quelles que soit la nature des mécanismes par lesquels ces transferts s’effectuent. Or, ces transferts sont effectués sans risque et plus équitablement dans le cadre du système par répartition. Ce n’est pas par nécessité que le système public s’efface devant un régime privé mais en raison des intérêts et du lobbying des gros investisseurs institutionnels, chargés d’investir sur les marchés financiers des milliards de cotisations privées. C’est la recherche du profit et non le problème du vieillissement de la population qui incite à la modernisation des systèmes de retraite. »[4]

     Diffuser largement les informations concernant la participation des personnes âgées dans l’économie : consommation de biens et de services, transmission de biens, aide des ascendants et descendants.

     Les contrats éthiques

     Au delà des chartes existantes concernant les personnes âgées, employer des formules simples et courtes, chargées de sens : « l'autonomie est « la capacité de décider seul », tandis que l'indépendance serait « la capacité de faire seul »[5]. Laisser les aînés indépendants et autonomes le plus longtemps possible.

     Contrôler les personnes membres du réseau formel, leur éthique professionnelle, leur niveau de connaissances professionnelles et gérontologiques.

     Favoriser le développement de réseaux associatifs en relation avec une institution, permettant la visite à domicile et la relation à l’autre.

     Contrat éthique avec les médias pour tenter de véhiculer une image positive de la vieillesse ; sensibilisation des étudiants en journalisme sur les douloureux traumatismes que peut entraîner la diffusion d’une image ou d’un texte teinté d’âgisme.

     Les contrats éthiques ont une valeur s’ils sont connus de tous, et régulièrement véhiculés par les médias.

     Les ressources des personnes âgées

     Mettre en valeur les moyens dont dispose la personne âgée pour son développement dans un environnement adapté pour le bien-être de tous : une meilleure accessibilité des équipements communautaires (trottoirs, rampes d’accès dans tous les lieux de services, accessibilité des transports en commun…), une meilleure signalétique (panneaux indicateurs lisibles, ablation de toutes les bornes ne dépassant pas 1.70 m de haut ou ajout de matériau absorbeurs de chocs sur ces bornes pour les rehausser ; signalisation des bornes, des trottoirs, avec des couleurs tranchées)

     Utiliser les connaissances et les savoir-faire des personnes âgées pour qu’elles puissent les transmettre dans tous les lieux de culture.

     Ouvrir les lieux de culture aux personnes âgées : tous les lieux réservés aux jeunes et aux adultes doivent pouvoir accueillir les aînés pour leur permettre d’accéder aux connaissances qu’ils désirent. Dans l’éducation donnée aux jeunes enfants tout est fait pour qu’ils se sociabilisent (grands miroirs, entrée en école maternelle dés 2 ans ou  avant si les conditions matérielles le permettent), dans l’éducation donnée aux aînés, il pourra être enseigné ou suggéré la sociabilité maintenue.

     Les ressources de la société

    Elle doit être capable de modifier

« l’environnement dont les circonstances fabriquent souvent les dépendants âgés, et les facteurs qui peuvent faire verser dans la démence à savoir : les conditions climatiques, la carence en eau, les propriétés toxiques des médicaments, l'alcoolisme, la présence d'oxyde de carbone, les entraves physiques (liens) et médicamenteuses (calmants), les privations sensorielles et sociales. »[6]

     Car Si l'on recense seulement 2 % de démence dans une population entre 60 et 65 ans, la proportion atteint 25 % chez des gens de 85 ans.

     L’enquête devra extraire si possible ces informations pour dégager les clés efficaces qui permettront de la diminuer son effet, car la désaffiliation peut se nourrir d’elle même : moins on communique et plus on se désaffilie, plus on se désaffilie et moins on communique.


[1] Gineste Yves, Marescotti Rosette. Directeurs de la CEC (Communication et Etudes Corporelles) Site ouaibe : http://perso.wanadoo.fr/cec-formation.net/gerontologie.html

[2] Blouin Maurice, Bergeron Caroline (1997) Dictionnaire de la réadaptation, tome 2 : termes d'intervention et d'aides techniques. Les Publications du Québec. Québec. p.39.

[3] Castel Robert (1995) Les Métamorphoses de la question sociale. Librairie Arthème Fayard. p.52.

[4] (23 janvier 2003) In Politis. Le réseau des économistes européens pour une politique alternative en Europe regroupe près de 300 économistes européens. En France, le réseau rassemble quelques dizaines d’économistes, dont Jacques Mazier, économiste à l’université Paris-XIII et animateur du réseau. Dans leur dernier mémorandum, ces économistes ont appelé leurs « collègues et un large public à apporter leur contribution afin d’améliorer les arguments que nous avançons ». Le réseau demande « aux autorités européennes d’apporter des réponses à nos arguments et d’engager un véritable débat contradictoire. » Contact : Jacques Mazier, université de Paris-Nord. mazier@seg.univ-paris13.fr

[5] Enjalbert Michel (1999) Compte-rendu de congrès. Premier colloque provençal « Prévention Santé et Gérontologie » In Annales de kinésithérapie 1999 ; 26: 376-378. Masson. Paris.

[6] Othoniel Jacques (1999) Compte-rendu de congrès. Premier colloque provençal « Prévention Santé et Gérontologie » In Annales de kinésithérapie 1999 ; 26: 376-378. Masson. Paris.

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