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L’approche sociologique de la désaffiliation sociale des personnes âgées

Eléments de méthodologie

Ces éléments de méthodologie ont été nécessaires au bon déroulement de l’enquête ; ils ont concerné, dans un premier temps, toutes les informations et la recherche d’informations permettant de construire l’enquête ; dans un second temps, il est apparu nécessaire de centrer l’enquête sur certaines données pour permettre leur analyse, et enfin, une réflexion sur l’éthique et la portée théorique de l’enquête permet de limiter toute subjectivité et de respecter l’apport de chacun dans ce travail.

 

I. Les préliminaires de l’enquête

 

     Pour rechercher ce qui peut être cause de désaffiliation sociale chez les personnes âgées, j’ai voulu savoir si elles ressentaient de l’isolement et à quel niveau, pour ensuite décrypter dans leur récit les indices qui permettent de penser qu’elles sont ou ne sont pas sur le chemin de la désaffiliation. Rechercher ces causes pour comprendre et dans un second temps expliquer les signes, les vérifier avec les outils statistiques dont je dispose, savoir si le problème est bien actuel, son ampleur pour dégager les moyens de lutte contre le phénomène, existants ou théoriques.

     Dans la perspective de recueillir ces informations, j’ai contacté un médecin généraliste titulaire d’une capacité de gériatrie pour lui expliquer le sens de ma démarche. Recueillir auprès de personnes âgées de plus de 60 ans des informations concernant leur vie quotidienne, pour en extraire les phénomènes qui peuvent les exclure de la société. A charge pour ce médecin de sélectionner au gré des consultations, les personnes susceptibles de participer à l’enquête.

     L’anonymat est assuré ; ne seront utilisés que le prénom, l’âge, le sexe dans les données identitaires

I. 1. La prise de contact avec le médecin gériatre

     Dans premier temps, un mode de recrutement a été convenu par l’intermédiaire d’un médecin Gérontologue, exerçant à titre libéral, dans un quartier résidentiel au sud de Perpignan ; la consigne était de sélectionner des personnes âgées de plus de 60 ans, ne présentant pas de dépendance ni d’atteinte cognitive. Ces personnes seront vues au cours d’une consultation au cabinet de ce médecin ou bien à leur domicile, pour les moins mobiles d’entre elles. J’ai demandé au médecin de m’aider dans cette démarche en repérant les consultants les plus aptes à coopérer, sans discrimination de sexe ou d’âge au delà de 60 ans, et en proposant cette démarche à une vingtaine de personnes.

     Le choix de mon engagement dans cette voie de recrutement des collaborateurs de l’enquête a été fait ainsi pour les motifs suivants :

-         Je ne disposais pas d’une logistique suffisante pour mener cette enquête, pour qu’elle porte sur une grande échelle ; les outils à ma disposition étaient : intellectuels (la théorie de l’entretien semi-directif, le guide de l’entretien, la méthode de prise de notes, la méthode de recherche de l’information livresque sur le sujet, la méthode de transcription des données orales, l’aide de ma directrice de mémoire) et matériels (magnétophone, feuille de prise de notes, outils de bureautique informatique, téléphone, agenda)

-         Je disposais d’un temps de recueil des données relativement bref : de 3 à 6 semaines.

-         Je disposais de l’aide d’un professionnel de santé spécialisé dans la tranche d’âge de la population choisie, qui m’aidera à sélectionner les personnes selon les critères convenus.

     Après avoir présenté l’objet de la recherche au médecin, je lui ai exposé les arguments que j’aimerais employer pour recueillir l’information auprès des personnes âgées faisant partie de sa clientèle.

     Faire une sélection spécifique par tranches d’âge aurait nécessité beaucoup plus de participants ; le nombre de personnes à contacter devant se limiter à une vingtaine, il a été convenu que le médecin proposerait cette collaboration à des personnes de plus de 60 ans sans chercher à regrouper ou catégoriser les âges au-delà de 60 ans. De même, l’appartenance à un sexe ou un autre n’importait que dans la mesure où il ne devait pas y avoir qu’une catégorie, ou bien que la catégorie des femmes, plus nombreuses, ne soit sur ou sous représentée.

     La majorité des personnes fréquentant le cabinet médical appartenant majoritairement à la classe moyenne des revenus, il ne fut pas question de procéder à un tri à ce niveau là.

     Il en a été de même pour les personnes seules et les couples ; la collaboration serait proposée de manière équilibrée, avec la consigne pour les couples, que l’un ou l’autre des époux participerait à l’entretien, ou bien les deux.

     J’ai alors présenté au médecin un document à remettre au patient (annexe 1), qu’il pouvaient lire avant de rendre leur décision au praticien. Ce document ne donnait que mon identité et donnait un aperçu du type de collaboration que je recherchais, et pourquoi je menais cette enquête. 

     Le médecin a proposé cette collaboration et a recueilli les réponses avec les coordonnées des personnes, à concurrence du nombre convenu au départ, et m’a transmis la liste.

I. 2. La prise de contacts avec les collaborateurs

     Muni de cette liste, les personnes intéressées avaient laissé leur numéro de téléphone sur le document remis par le médecin pour que je puisse les appeler, j’ai contacté les personnes pour fixer les rendez-vous. Il a été nécessaire de reformuler ma démarche, et d’expliquer le but de cette enquête.

     L’entretien sera enregistré, portera sur les expériences de vie, il y aura une retranscription écrite exacte de l’entretien (j’ai beaucoup insisté sur cet aspect, il est toujours difficile de lire ce que l’on dit, chose qui ne correspond pas du tout à ce que l’on écrit ; s’ajoutent les hésitations, les mots coupés…)

     Malgré l’information délivrée au départ par le médecin, trois collaborateurs ont insisté sur la confidentialité. J’ai reformulé la consigne : il n’y aura que le prénom (sauf si la personne refuse, dans ce cas n’apparaîtra qu’une initiale ou un autre prénom choisi par le collaborateur), l’âge, la profession, le type d’habitat qui figureront sur la fiche identitaire ; si d’autres éléments devaient y figurer, les collaborateurs en seraient informés et leur avis respecté ; s’il y avait lors de leur lecture de la transcription, un élément qui leur semblait induire une identité (un nom de famille cité, un nom de ville, un nom de praticien de santé) et qu’ils désirent que cet élément soit rendu anonyme, ce serait fait par l’enquêteur. Le travail entrepris ne reprendra que des passages de leur entretien, et peut-être un ou deux entretiens figureront en annexe, s’ils s’avéraient porteurs de signes forts servant à la démonstration de l’enquête.

     Les prises de rendez-vous se sont étalées sur les mois de février et mars 2004 ; les rendez-vous étaient pris à la convenance des participants à une heure qui ne les dérangeait pas dans leur organisation de vie. J’ai limité les rendez-vous à un par demi-journée pour que ma disponibilité soit plus aisée, pour que les données restent de claire appartenance à un collaborateur.

     Il y a eu 15 rendez-vous organisés, une seule des personnes contactées n’a pas désiré donner suite ; ce qui n’était pas gênant dans la mesure ou d’une part, elle résidait dans un village hors des limites de l’enquête, et d’autre part, j’avais un nombre suffisant de collaborateurs, 13 femmes, 8 hommes dont 6 couples.

     Dans un second temps, j’ai contacté les personnes ayant répondu favorablement lors de l’entretien au cabinet médical ; une seule d’entre elles, un homme, n’a pas voulu donner de  suite. Lors de cet entretien téléphonique, j’ai pu compléter l’information de base et donner des réponses aux questions que me posaient mes futurs collaborateurs :

- L’interview durera 45 minutes maximum, et porterait sur les faits marquants de la vie.

- L’interview sera enregistré et retranscrit mot pour mot ; cette retranscription sera remise à l’interviewé et soumise à son approbation lors d’un second rendez-vous.

- La confidentialité sera respectée, seul seront retranscrits des informations sans rapport avec l’identité de la personne et l’information retranscrite, pourra être modifiée, après lecture, par l’interviewé.

I. 3. La préparation de l’entretien

     Basée sur la préparation matérielle, et organisationnelle, elle a surtout permis d’élaborer un guide de l’entretien.

     L’élaboration du guide de l’entretien (annexe 3) a demandé une recherche dans la littérature sociologique pour le mettre en forme[1]

     Il est courant de lire que les personnes âgées isolées ou subissant l’appauvrissement des relations sociales ne l’expriment pas, aussi, selon le démarrage de la discussion, suivant la situation, j’ai préparé un texte que je lirai au collaborateur : « Il est commun de dire que la vieillesse est conçue comme une période de perte et de déclins entraînant un isolement social, alors que d’un autre côté, il est admis que cette période permet aussi l’épanouissement, la possibilité d’appartenir à la vie associative. Ces observations dépendent de l’individu et il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Dans votre cas diriez-vous que la vieillesse est une période d’isolement ou bien une période d’ouverture sur le monde ? »

     Le guide d’entretien me servira à recentrer le débat sur l’objet de la discussion si l’interlocuteur a tendance à faire diversion ou à s’égarer hors sujet ; il devra être consulté dans la discrétion pour ne pas perturber l’ambiance de l’échange. Il me servira si je me laisse emporter par le discours qui peut être intéressant mais hors sujet. Il comportera la grille identitaire et les références de l’interlocuteur, une phrase m’incitant à renouveler les consignes de confidentialité et d’organisation, le texte servant à détendre l’interlocuteur ou lui permettant d’introduire son discours, et enfin, y figureront les questions en rapport avec l’objet de la recherche, à savoir : la désaffiliation sociale et les signes repérables dans la vie sociale menée par le sujet.

     J’ai préparé les stratégies suivantes pour mon intervention : la consigne ou question externe et la relance[2] ; la consigne, qui sera inaugurale à chaque entretien : « parlez-moi de votre vie, quels ont été les moments forts de votre vie. » pour amener les collaborateurs à parler de ses expériences. La relance sur le registre référentiel, et sur le registre modal, pour reprendre les dires du collaborateur et comme acte réactif, le relance en écho au discours de l’autre, une re formulation, en reflet pour que l’interlocuteur précise la phrase,  en complémentation pour identifier l’énoncé précédent, en interprétation pour suggérer une attitude non explicitée, en interrogation différentielle pour identifier la référence, et en interrogation modale pour demander l’avis sur une affirmation. Ces types de relances sont transcrites dans le guide d’entretien pour une aide éventuelle lors de l’entrevue. (Annexe 3)

     Enfin, penser avant l’entretien à repenser son déroulement et retenir quelques phrases clés pour éviter d’avoir à revenir au document écrit trop souvent. Penser aussi à adopter une attitude neutre, une écoute active et à re formuler les questions pour revenir sur un point évoqué sans grande transparence et qui peut avoir trait à l’objet de la recherche.

I. 4. Le déroulement de l’entretien

     Muni de ces informations, et après avoir contacté un peu avant l’heure du rendez-vous le collaborateur, je rencontre ma première interlocutrice. J’éprouvais un peu de stress à l’idée que mon discours ou mon attitude allait bloquer la conversation, mais l’accueil convivial de cette dernière m’a mis en confiance. Très interrogative, tout de même quand à la confidentialité de cette enquête ; j’ai donc reformulé les consignes décrites, le texte de préambule et l’entretien a pu commencer. J’étais installé sur un fauteuil au salon, en position trois quarts face à ma collaboratrice avec une table basse à proximité où j’ai pu déposer le magnétophone qui ne m’a plus préoccupé tout au long de l’entretien, contrairement à mes craintes préalables. Ce premier entretien a duré 35 minutes, temps qui m’a paru court une fois les données récupérées, mais l’essentiel a pu être observé ; les autres entretiens ont duré entre 30 et 45 minutes, seuls deux d’entre eux ont approché une heure de temps. Ce premier entretien a permis une approche technique :

-         Je me suis rendu compte que j’avais posé des questions trop directes deux ou trois fois et que les réponses ne m’ont pas satisfait.

-         Chaque fois que j’ai consulté mon guide d’entretien, il a été évident que le regard de mon interlocutrice était accroché et que son discours « trébuchait »

-         J’ai réussi à reformuler les questions en miroir avec ce qui a été dit et aussi à revenir sur certains points qui demandaient plus d’informations

-         Enfin je me suis rendu compte que mon questionnaire identitaire était trop succinct, il me manquait des informations sur la fratrie,  sur les parents…

     Ce premier entretien a permis de réajuster ma technique et de produire un questionnaire complémentaire dont je me servirai lors de la remise de la transcription de la conversation. (annexe 2)

     Tous les autres entretiens ont été conviviaux, avec un petit bémol dans deux cas :

-         Chez une collaboratrice, j’étais assis sur une chaise sans table pour m’accouder ou poser mes documents et le magnétophone, je me suis senti mal à l’aise au début de l’entretien, puis le récit cheminant, j’ai vite oublié cette situation qui m’a paru être, sur le moment, une manière de me faire comprendre que je n’étais pas le bienvenu (pensée subjective s’il en est). Ce n’était peut-être aussi qu’une question de distance. Je me suis levé pour poser le magnétophone sur le guéridon qui se trouvait plus proche d’elle et l’entretien a débuté.

-         Chez un couple, j’étais confortablement assis sur un fauteuil certes, mais, là aussi, pas de table ; j’ai déposé mon magnétophone sur le sol, au centre de ce qui peut être un petit salon ou une salle de lecture et, conservant la distance idéale avec mes interlocuteurs la conversation a démarré.

I. 5. La constitution des données

     Au fur et à mesure du recueil des entretiens j’ai procédé à la transcription mot à mot sur à l’aide du logiciel Word 2000 ; pour repérer les entretiens, je les ai numérotés dans l’ordre de recueil, et j’ai créé un fichier à part répertoriant les numéros d’entretien et les identités correspondantes. Un seul fichier numérique pour l’audio et pour chaque entretien, sauf pour l’un d’entre eux, où la discussion a été interrompue une dizaine de minutes, celui-ci est composé de deux fichiers audio numérique.

     Les données écrites ont été imprimées et distribuées lors du deuxième rendez-vous avec les collaborateurs. Trois dossiers n’ont pas été remis :

-         Le premier, parce que le couple est hospitalisé suite à un accident de santé grave survenu à la collaboratrice.

-         Le second, parce que le collaborateur n’a pas souhaité recevoir cette copie.

-         Le troisième, parce que la collaboratrice est souvent absente et que les dates ou heures ne convenaient pas ni à l’une, ni à l’autre des parties.

     Lors de la remise de cette transcription, un questionnaire complémentaire a été utilisé avec le consentement des interlocuteurs (annexe 2), et les consignes de respect de l’anonymat ont été renouvelées ; quelques collaborateurs s’en sont inquiétés. Ils pouvaient aussi me téléphoner si à la relecture du texte, ils voyaient des modifications à porter ; l’un deux m’a d’ailleurs appelé, catastrophé qu’il était de se lire ainsi, et pour la confidentialité ; je l’ai rassuré, et lui ai dit que son entretien ne figurerait pas en annexe. Il y a eu possibilité de corriger certains mots mal perçus lors de l’audition de l’entretien, ou des noms propres comme un nom d’usine par exemple mal orthographié.

     Les données de ce questionnaire ont été ajoutées à celles déjà en ma possession et le volume des données s’est trouvé prêt à être analysé.


[1] Quivy Raymond, Van Campenhoudt Luc (1995) Manuel de recherche en sciences sociales. Dunod. Paris

[2] Blanchet Alain, Gotman Anne (2001) L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Nathan Université. Nathan. Paris.

 

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